La police israélienne a déclaré mercredi avoir arrêté plusieurs personnes soupçonnées d’avoir craché en direction de pèlerins chrétiens à Jérusalem. Cette pratique, répandue au sein de la communauté juive orthodoxe et qualifiée de « vieille tradition juive » par le ministre de la Sécurité nationale d’extrême droite Itamar Ben Gvir, connaît une recrudescence et s’inscrit dans une récente vague d’actes antichrétiens.
C’est une pratique grossière et infamante qui fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours : le crachat en direction de pèlerins chrétiens soulève l’indignation en Israël alors que le phénomène est en plein essor à Jérusalem, selon les associations religieuses chrétiennes.
Illustration lors de Soukkot – la « fête des cabanes » – qui se déroule jusqu’à samedi 7 octobre cette année et pendant laquelle des dizaines de milliers de pèlerins viennent commémorer l’errance des juifs dans le désert lors de l’Exode : de nombreux des juifs religieux, pour la plupart des jeunes, ont été filmés en train de cracher sur des églises ou des fidèles chrétiens croisés au hasard.
Sur une vidéo mise en ligne lundi et massivement relayée sur les réseaux sociaux, plusieurs membres d’une procession de juifs orthodoxes crachant aux pieds de fidèles chrétiens asiatiques portant une croix sur la Via Dolorosa, le parcours traditionnel à Jérusalem retraçant le chemin de croix du Christ.
Une vidéo virale enregistrée le 2 octobre dans la vieille ville de Jérusalem montre des juifs religieux crachant sur des pèlerins chrétiens asiatiques lors d’une procession orthodoxe. pic.twitter.com/5iXglmnsP2
– Andy Ngô (@MrAndyNgo) 5 octobre 2023
Devant l’indignation suscitée par ces images, les autorités ont procédé mercredi 4 octobre à l’arrestation de cinq personnes, dont une partie du groupe de juifs orthodoxes mis en cause dans la vidéo.
La police israélienne a arrêté ce matin cinq suspects soupçonnés d’avoir craché sur des chrétiens et des églises de la vieille ville de Jérusalem. pic.twitter.com/830l0qiMlC
– Police israélienne (@israelpolice) 4 octobre 2023
Selon la presse israélienne, le frère de Simcha Rothman, député du Parti sioniste religieux et grand architecte de la controversée réforme judiciaire menée par le gouvernement de Benjamin Netanyahu, figure parmi les personnes interpelées.
« Rien de criminel »
La veille, le Premier ministre israélien avait promis dans un communiqué une « tolérance zéro » contre ces actes. « Israël est totalement engagé à sauvegarder le droit sacré de culte et de pèlerinage sur les lieux saints de toutes les religions. Je condamne fermement toute tentative d’intimidation des fidèles et je m’engage à prendre des mesures immédiates et décisives à cet égard » , a également tweeté Benjamin Netanyahu.
Selon le Bureau central des statistiques israélien (CBS), 182 000 chrétiens vivent en Israël, dont une majorité d’Arabes, soit environ 1,9 % de la population totale.
Le ministre israélien des Affaires étrangères Eli Cohen s’est pour sa part entretenu jeudi avec l’archevêque Paul Gallagher, le chef de la diplomatie du Saint-Siège et a assuré que ce « phénomène odieux » ne « représente pas les valeurs du judaïsme » .
Mais ces condamnations sont loin d’être unanimes au sein de la coalition au pouvoir composée de plusieurs partis extrémistes et ultraorthodoxes. Réagissant aux récentes arrestations sur une radio publique, Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale et leader du parti Force juive, a affirmé que « cracher sur des chrétiens n’a rien de criminel ».
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Le responsable d’extrême droite avait déjà eu l’occasion de minimiser ces actes de haine perpétrés contre une minorité religieuse, qualifiant ces crachats de « vieille tradition juive ».
D’après la loi israélienne, le crachat envers une personne peut être puni de deux ans de prison si le geste est motivé par des raisons religieuses. Mais dans les faits, les religieux chrétiens dénoncent une impunité totale.
« Difficile à digérer »
Selon de nombreux observateurs de la vie politique israélienne, la recrudescence de ces crachats n’a rien de surprenant : l’arrivée au pouvoir en novembre 2022 des partis suprémacistes juifs aurait favorisé un climat d’impunité pour des groupes radicaux qui manquent rarement une occasion. de s’en prendre aux Palestiniens, aux chrétiens ou à la communauté LGBT++.
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« La présence en haut lieu de personnalités politiques de cet acabit a donné le sentiment que tout était permis : c’était ‘On peut faire ce qu’on veut, puisque le ministre de la police est des nôtres’ », assure au Figaro Denis Charbit, professeur de science politique à l’Université ouverte d’Israël.
Ces derniers mois, la presse israélienne a rapporté de très nombreuses manifestations de haine antichrétienne. Fin mai, un groupe d’ultranationalistes emmené par le maire adjoint de Jérusalem, Arieh King, avait pris à parti des évangélistes américains, les qualificatifs de « missionnaires », une accusation récurrente dans la bouche des juifs ultraorthodoxes à la rencontre de la minorité. chrétienne.
כל הכבוד למאות שהגיעו למחות בפני החברה לפיתוח הרובע היהודי שאיפשר לנוצרים מיסיונרים לקיים פולחן נוצרי וטקס שעניינו הכנה למבצע מיסיו נריות בקרב תושבי ישראל, מחאה מכובדת וראויה נגד החברה הממשלתית שאיפש Je vous conseille de le faire. מבחינתי שידע כל מיסיונר שאינו אדם רצוי בארץ ישראל. pic.twitter.com/9RtXGGR98e
– אריה קינג Arieh King (@arieh_king) 28 mai 2023
En juillet, la vidéo d’un religieux, prié de cacher sa croix par une employée du mur des Lamentations, est venue grossir la liste des incidents entre juifs et chrétiens. Accompagné du ministre allemand de l’Éducation, l’abbé Nicodème Shnabel s’était vu signifier que cette croix était « vraiment très grosse et inappropriée pour ce site » – alors que le catholique ne se trouvait qu’aux abords du mur des Lamentations , en dehors de l’aire de prière réservée aux juifs. Sous le feu des critiques, la Fondation du patrimoine du mur occidental avait fini par présenter ses excuses.
Aujourd’hui à Jérusalem : un guide a demandé au Père Nicodemus Schnabel, Abbé de l’ordre bénédictin de Terre Sainte, d’enlever sa croix alors qu’il accompagnait un ministre allemand lors de la visite de la cour du « Mur Occidental »
Il a refusé de le faire, et un rapport dit : « Le Secrétariat du Mur » s’est excusé ! pic.twitter.com/ieHxbmQoBl– Wadie (@WadieAbunassar) 19 juillet 2023
Si la coexistence entre les trois religions n’a jamais été un long fleuve tranquille dans la Ville Sainte, les Églises chrétiennes constatent une multiplication d’agissements hostiles : profanations de tombes, actes de vandalisme contre des églises, insultes et… crachats .
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« Même dans les récits de la Passion, il ya des gens qui crachent sur Jésus : des juifs, pendant son procès, mais aussi des Romains », expliquait le frère Matteo Munari à l’occasion d’une conférence organisée en juin à Jérusalem pour décrypter le phénomène, rapporte la revue Terre Sainte.
Quelques jours plus tard, un journaliste d’une chaîne privée s’était déguisé en moine franciscain pour mettre en lumière la recrudescence de cette violence dirigée contre la minorité chrétienne.
« Frère d’un jour » version anglaise : Certains groupes juifs justifient leurs crimes haineux par le fait qu’ils sont des « malades mentaux ». donc non. Notre enquête a prouvé que les attaques ne proviennent pas vraiment de malades mentaux, mais de personnes ayant une opinion claire et qui détestent simplement ce qu’elles sont… pic.twitter.com/rAmReyLnCv
– Yossi Eli יוסי אלי (@Yossi_eli) 12 juillet 2023
Au bout de cinq minutes à parcourir les rues de Jérusalem, Yossi Eli essuyait des crachats et des quotients de la part de juifs ultra-orthodoxes. « Une expérience difficile à digérer », avait commenté le journaliste. « Imaginez la réaction de ces juifs si un chrétien leur avait craché dessus en Europe. »
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