Installée récemment à Moissac, l’artisan cherche à redonner à cet art manuel et ancien sa gloire passée. Elle va d’ailleurs participer au 1er salon des créateurs d’art de Moissac.
C’est au détour de la rue Marcassus, en face de l’abbaye de Moissac, que Rolie Bidas a décidé de poser ses valises il ya maintenant trois mois. Installée début juillet au cœur de la cité uvale, elle tient ici son petit atelier confidentiel, qui met à l’honneur un art devenu rare aujourd’hui : l’enluminure. En France, on estime à une voisine le nombre d’enlumineurs professionnels, selon l’Institut national des métiers d’arts.
« Ce métier se perd, et il mérite d’être remis au goût du jour », justifie alors Rolie Bidas, qui a passé deux ans à Angers au sein de l’Institut Supérieur Européen d’Enluminure et du Manuscrit, seule et dernière école en France à ancien à ce métier. Elle compte d’ailleurs participer au salon des créateurs d’art de Moissac, qui se tient pour la première fois au Hall de Paris du 11 au 13 novembre, pour valoriser ce savoir-faire et se faire connaître des habitants. « Ça sera l’occasion de rencontrer les artisans de la ville », complète l’enlumineuse.
Reproduire les « trésors » du Moyen-Âge
Au sein de son atelier, elle réalise à la fois ses créations propres, mais répond également à des commandes de particuliers. Et si l’artisan couvre une grande période de l’Histoire dans ses réalisations, allant de l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui, elle aime se concentrer principalement sur le Moyen-Âge. « À l’origine, l’enluminure désigne une image peinte dans un manuscrit. Mais sa fonction a beaucoup évolué. Elle a traduit, remplacé puis accompagné le texte religieux, avant de devenir un enrichissement plus artistique et commercial vers le 13e siècle », précise la passionnée. De son côté, ce sont les enluminures mérovingiennes qu’elle préfère, entre le 6e et le 8e siècle.
« Les dessins sont incroyables. Tout est caricaturé, dégrossi et surchargé en couleurs. On a l’impression qu’il n’y a pas beaucoup de détails, mais en réalité, il y a un énorme travail de finesse »
C’est justement ce lien à l’Histoire et le fait de rappeler cet héritage qui lui plaît dans son métier. « À l’époque, les enlumineurs et calligraphes étaient des moines. Ils ne signaient pas leurs œuvres, car c’était une activité normale pour eux. Mais aujourd’hui, ce sont de véritables trésors », souligne-t-elle.
Une technique héritée de l’époque
Encore aujourd’hui, la technique reste artisanale et manuelle, « à l’aide de pinceaux et de plumes », précise Rolie Bidas. Surtout, l’artisan utilise des pigments naturels qu’elle crée à partir de végétaux et minéraux. « Je récupère des pierres, que je transforme en poudre, pour les incorporer à ma recette à base de miel, blancs d’œuf et gomme arabique. Puis à l’aide d’une molette en verre, j’écrase le pigment jusqu’à à ce qu’il devienne lisse pour être utilisé ».
Parfois, l’enlumineresse a recours à des pieds de vignes pour obtenir certaines couleurs comme le noir de fumé, ou au pastel. « J’utilise par ailleurs du parchemin pour réaliser mes enluminures, car c’est une matière vivante, un peu ancestrale ». Pour autant, l’enluminure est une science encore incertaine selon elle. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’artisan projette d’aller à la BNF de Paris, pour éplucher notamment les manuscrits moissagais, « et peut-être même y apporter un plus après les avoir envisagés », espère-t- elle.