Des communes à forte identité patrimoniale comme Locronan (29), Ploumanac’h (22) ou Rochefort-en-Terre (56) ont été plébiscitées par les Français lors de votre émission « Le village préféré des Français ». Est-ce à dire que le patrimoine breton tient une belle place dans le cœur des Français ?
En effet, nos compatriotes sont particulièrement attachés au patrimoine breton, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, comme la Corse ou l’Alsace, la Bretagne fait partie de ces régions qui sont restées les mêmes au fil du temps, qui n’ont jamais perdu leur identité. En plus, et cela joue dans cet attachement, cette identité s’exprime de multiples manières, à travers la culture, la langue, l’histoire, la gastronomie, notamment. Mais il y a plus : plus je vais en Bretagne, plus je me rends compte que les Bretons ne se contentent pas d’avoir des coutumes ; ils font vivre ce patrimoine au quotidien. C’est cette richesse, doublée d’une grande vitalité voulue par ses habitants, qui fait de la Bretagne une région si chère aux Français.
Avez-vous personnellement des sites, des monuments, des châteaux préférés en Bretagne ?
La liste est trop longue pour que je vous livre ici ! Si on voulait retenir quelques sites, je dirais que je suis particulièrement séduit par la charmante Quintin, cité médiévale de caractère, que j’ai découverte récemment. J’apprécie aussi beaucoup en Bretagne les bords de mer : Saint-Suliac (35), Concarneau (29), Belle-Ile (56)… Mais de plus en plus, je m’intéresse aux terres de Bretagne et à leurs trésors, comme le jardin de Kerdalo ou le château de Josselin, où j’ai tourné un épisode de « Secrets d’histoire ». J’aime aussi ce que j’appelle « le petit patrimoine de nos campagnes », les petites églises, les calvaires, tout ce patrimoine religieux qu’il est si important de défendre.
Je trouve extrêmement touchant que des citoyens s’engagent pour la préservation du patrimoine local, et tout particulièrement quand des jeunes rejoignent leurs aînés
À l’occasion des Journées du patrimoine, les montants attribués aux sites retenus dans le cadre de la Mission Stéphane Bern ont été révélés. Le site de la Bretagne, l’ancienne colonie pénitentiaire de Belle-Ile, a reçu 500 000 €. Pourquoi ce choix ?
Parce que c’est une surprise : on n’imaginait pas qu’il y avait eu à Belle-Ile, sur les hauteurs du Palais, un lieu de détention pour mineurs dont les petits délinquants et vagabonds auraient été en peine de s’échapper . Ses bâtiments, qui surplombent la mer, vont devenir un tiers-lieu insulaire.
Vous êtes favorable à ce que certains monuments soient ainsi une seconde vie, qu’ils soient transformés en espaces de coworking ou en hôtels ?
Tout à fait. C’est même le sens d’une restauration : que le site trouve une nouvelle vocation, pour rester vivant. Il ne faut pas fossiliser le patrimoine, le mettre sous cloche.
À Plabennec (29), un groupe de 50 personnes, dont des jeunes Plabennecois, se mobilise pour racheter et rénover le Château de Leuhan aujourd’hui très abîmé. Comment expliquez-vous cet engouement toujours présent pour le patrimoine ?
Je trouve extrêmement touchant que des citoyens s’engagent pour la préservation du patrimoine local, et tout particulièrement quand des jeunes rejoignent leurs aînés. Et je dois dire que j’en rencontre de plus en plus qui sont fous de vieilles pierres, de châteaux. Je pense que cela tient au besoin, dans une époque difficile, de se rassembler sur une identité, des valeurs communes fortes. Le patrimoine, c’est ce qui repose sur les gens.
Le patrimoine, ça se partage
Les Journées du patrimoine, c’est ce week-end. La journée de vendredi (16 septembre) est réservée aux scolaires. Vous êtes d’ailleurs parrain de cette opération Enfants du patrimoine…
Oui, cela me tiendra à cœur de partager ma passion avec les scolaires, car ce sont eux qui, demain, prendront la relève et œuvreront à leur tour pour préserver ces richesses. C’est donc maintenant qu’il faut leur en donner le goût.
Pourquoi tant de monuments historiques sont en péril en France ?
Parce que nous avons un nombre incroyable de monuments, de sites, de bâtiments remarquables. À part l’Italie, aucun autre pays au monde n’a notre patrimoine. Il y a donc beaucoup de monuments dégradés parce qu’il y a beaucoup de monuments… tout court. L’autre raison tient au fait que pendant longtemps, on n’a pas entretenu ce patrimoine. Ou, si vous faites l’impasse sur ces travaux, tous les propriétaires le savent, la facture devient très lourde à l’arrivée.
En 2013, vous avez d’ailleurs acquis un domaine, le collège royal et militaire de Thiron-Gardais, dans le Perche, que vous avez fait restaurer sur vos deniers avant de l’ouvrir au public…
En effet, j’aurais pu demander les subventions auxquelles j’avais droit, mais comme je suis animateur du service public, payé par la redevance – elle existait encore –, je ne me voyais pas demander d’argent. J’ai préféré demander à mon banquier ! Le domaine est désormais restauré et ouvert au public, car je considère que je ne suis pas propriétaire mais dépositaire de ce lieu. Le patrimoine, ça se partage.
Vos portes seront donc ouvertes lors de ces Journées du patrimoine ?
Bien sûr, le public pourra venir gratuitement faire la visite du domaine. Et je serai sur place samedi (17/09) après-midi pour aller à la rencontre des visiteurs. J’aime ces moments, les gens me disent leur reconnaissance d’avoir sauvé ce lieu, c’est très touchant.
Vous publiez en octobre un livre : « Les secrets de l’Élysée ». On y apprend que les présidents de la République sont loin d’être les seuls à avoir habité ces 11 000 m2 en plein cœur de Paris… De quoi s’agit-il ?
Résidence officielle de la présidence de la République depuis la loi de janvier 1879, ce palais qui semble si familier aux Français est riche de mille secrets, que je me propose de faire découvrir ! Ce livre n’est que le premier d’une série que je vais consacrer à l’histoire des grands lieux de pouvoir. Après l’Élysée, je vais m’intéresser à Buckingham, à la Maison-Blanche, au Kremlin.
Avez-vous appris des anecdotes surprenantes au fil de vos recherches ?
Oui, par exemple, les gens savent le peu mais, à l’origine, l’Élysée est construite sur un marécage, dans un faubourg qui n’appartient pas à Paris, car le comte d’Évreux, qui l’a fait construire en 1722, n’avait pas les moyens de s’offrir un hôtel particulier dans la ville. Quant à l’argent, il provient de la belle-famille du comte, des armateurs négriers. Et cette anecdote n’est qu’un aperçu : les pierres de ce palais sont chargées d’histoire.
À paraître le 6 octobre : « Les secrets de l’Élysée », éditions Plon, 21,90 €