« La maîtrise de la langue est le premier facteur de liberté »

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Le premier prix Goncourt des détenus, lancé en septembre dernier, a donné l’opportunité à près de cinq cents personnes détenues de 31 centres pénitentiaires de se plonger dans la lecture des quinze auteurs sélectionnés par l’Académie Goncourt. Cet événement, lancé dans le cadre de l’année de la lecture déclarée « grande cause nationale », contribue à l’engagement des ministères de la Justice et de la Culture pour développer l’action culturelle dans les centres pénitentiaires et pour favoriser la lecture en milieu carcéral comme vecteur d’inclusion sociale. Il a été remis jeudi 15 décembre à Sarah Jollien-Fardel pour le livre Sa préférée.

Ce prix, créé sous le haut patronage de l’Académie Goncourt, est notamment porté par les services pénitentiaires de l’État et le Centre national du livre. Entretien avec Régine Hatchondo, la présidente du CNL.

Le Prix Goncourt – le prix littéraire le plus prescripteur en France – connaît de nombreuses déclinaisons : prix Goncourt des lycéens, du premier roman, de la nouvelle… Pourquoi avoir lancé aujourd’hui un Goncourt des détenus ?

Dans le cadre de la lecture déclarée « grande cause nationale » et compte tenu du souhait du Président de la République de positionner la lecture sous l’angle de l’inclusion sociale, nous nous sommes interrogés sur la place de la lecture dans les centres fermés , les centres de détention et les maisons d’arrêt.

Les contenus, compte tenu de l’enfermement et du fait d’être coupé du monde extérieur sauf à travers les visites, peuvent parfois se sentir déconnectés de l’actualité. Ou la rentrée littéraire est un événement majeur, l’un des plus couverts de la vie culturelle et il nous paraissait intéressant de l’envisager sous un prisme inédit : celui d’une personne en situation de privation de liberté. C’est ainsi que nous est venue l’idée de créer un Goncourt des détenus.

Nous sommes ensuite allés voir l’Académie Goncourt qui nous a réservé un accueil formidable notamment Philippe Claudel (le secrétaire général ndlr) qui a longtemps détenu le français en prison et possède donc une sensibilité particulière sur les ateliers d’écriture et de lecture. Nous avons ensuite évoqué le sujet avec le ministère de la Culture et le Garde des Sceaux et l’enthousiasme ayant été général, le prix Goncourt des détenus a été lancé à Nancy (en septembre dernier ndlr) dans le cadre du festival du Livre sur la place.

Les détenus-jurés ont, avant ou après la lecture des livres, rencontré des académiciens ou des auteurs. Qu’est-ce qui est ressorti de ces échanges ?

Nous nous sommes rendus au centre de détention de Nancy avec cinq membres de l’Académie Goncourt qui ont dialogué avec des détenus qui avaient leur désir de suivre ce Goncourt des détenus. Les académiciens les ont interrogés sur ce que leur apporte la lecture. Dans leurs réponses, il y avait l’envie d’évasion, de « sortir de soi », de son « obsession », de penser à autre chose. Certains ont aussi souligné que la lecture de leur choix de « l’espoir », dans l’attente de leur jugement ou de leur sortie. Très clairement, la lecture leur apparaît comme un « sas à soi », d’autant que ce retour sur soi se situe dans un contexte concret très particulier, où la question des bruits revient souvent, le bruit des clés, des portes, des voix …

Du côté des auteurs, on le voit quotidiennement : ils sont très enthousiastes ! Pour eux aussi, ce n’est souvent pas la première expérience en prison et nous n’avons pas eu de mal à monter les rencontres, que ce soit en visio ou en réel.

Sur le plan de la réinsertion, que peut selon vous apporter aux personnes détenues cette remise du prix Goncourt ?

La langue, les mots, sont les premiers des fondamentaux. Il faut comprendre ce qu’on nous dit et ce qu’on écrit, savoir s’exprimer pour bien se défendre et convaincre. La maîtrise de la langue, la compréhension de la finesse linguistique, le sens des nuances, l’expression orale sont les premiers facteurs de liberté. Cette expérience inédite ne peut être que positive quand on sort d’une période d’emprisonnement ou que l’on est en attente de jugement.

La rentrée littéraire est – entre autres – une fenêtre sur notre monde. Cette année, par exemple, nous avons parmi les quinze finalistes, plusieurs ouvrages évoquent, directement ou indirectement, la Russie, la violence intraconjugale, des faits divers, le deuil… C’est un reflet de nos préoccupations collectives. Cette inclusion sociale est en fait une inclusion dans le réel.

Les contenus ont souligné que la lecture leur produit de « l’espoir »

Ce prix Goncourt des détenus s’inscrit plus largement dans un programme d’actions visant à développer la lecture en prison. Quelles autres actions contribuentz-vous à mettre en place le reste de l’année ?

Ce sont des projets variés : il y a par exemple un soutien à l’acquisition d’ouvrages pour enrichir l’offre éditoriale des bibliothèques de prison. Le projet Lire pour en sortir a permis de doter les salles d’attente avant le salon de livres pour enfants car ceux-ci sont souvent anxieux avant de retrouver un parent détenu. Nous avons développé la lecture de science-fiction avec un accompagnement musical, sans parler des ateliers d’écriture et de lecture.

Le tissu associatif œuvre au quotidien et développe énormément de projets dans les prisons chaque année. Ces projets sont financés par le CNL qui conviennent, présentent sur le terrain les dispositifs mis en œuvre et se rendent aux restitutions d’ateliers.

La lecture a été déclarée « grande cause nationale » de l’année 2022 par le Président de la République avec de nombreuses actions mises en place. Quel bilan dressez-vous de cette année qui s’achève ?

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Près de six cents rencontres d’auteurs et cent cinquante résidences d’auteurs de six demi-journées par mois ont été ajustés dans les établissements scolaires, ce qui montre que cela correspond à un vrai besoin. Les élèves, quel que soit leur âge, se rendent compte qu’un auteur est là, leur parle du monde dans lequel on est. Ces dispositifs, qui peuvent créer des déclics et enlever des complexes, marchent et on espère doubler leur nombre l’ un prochain.

Je pourrais également parler du développement de nos trois événements forts : Partir en livre et la Nuit de la lecture, où l’on a beaucoup augmenté les lectures à voix haute et l’implication des bibliothèques, mais aussi « le quart d’heure de lecture » qui existait déjà à l’école mais que l’on veut rendre national et pour tous. Le CNL se rapproche donc du monde de l’entreprise pour que le 10 mars, chacun laisse de côté son portable pendant un quart d’heure pour lire un livre.

Outre les contenus, vers quels autres publics éloignés de la lecture avez-vous multiplié les initiatives ?

Nous avons mené un ensemble d’actions pour sortir les livres des étagères et les amener au plus près des Français avec par exemple des lectures à voix haute ou dans les salles d’attente des centres de PMI, ce qui fait diminuer le stress des parents et des bébés. Nous avons travaillé dans les Ehpad avec l’organisation, avec le groupe SOS, de lectures transgénérationnelles par des collégiens de 4e et 3e qui sont allés lire aux personnes âgées des textes préparés au préalable. Nous avons créé des sacs de livres avec l’association Bibliothèques sans frontières pour les jeunes migrants. Ces sacs ont été préparés par les autres élèves de la classe pour le conseil de pair à pair qui donne envie de lire et d’apprendre le français.

Le protocole Culture-Justice structure l’action culturelle en milieu pénitentiaire

Depuis 1986, les ministères de la Justice et de la Culture sont associés à travers un protocole décliné en région, le plus souvent sous forme de conventions tripartites signées entre les Drac, les Disp (Direction interrégionale des services pénitentiaires) et les DIRPJJ (Direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse).

Ce partenariat interministériel a pour objectif d’affirmer la place fondamentale de la culture dans la prise en charge des personnes placées sous main de justice, que ce soit en milieu ouvert pour l’ensemble des mesures alternatives à l’incarcération, ou en milieu fermé pour les personnes prises en charge dans les établissements pénitentiaires. Il officialise donc les principes de l’action culturelle en milieu pénitentiaire avec la programmation d’activités dans toutes les disciplines.

Après trois premiers protocoles en 1986, 1990 et 2009, un quatrième a été signé en mars dernier avec quatre grands objectifs. Le premier a défendu une offre artistique et culturelle pluridisciplinaire exigeante et de grande qualité dans tous les établissements pénitentiaires de France et d’outre-mer. Un deuxième vise à favoriser des liens étroits entre le dedans et le dehors en garantissant l’inscription des bénéficiaires aux offres culturelles de leur territoire et en encourageant la diffusion à l’extérieur des productions artistiques réalisées en détention. Un troisième volet inscrit la nécessité d’équiper tous les établissements pénitentiaires d’espaces pour les pratiques culturelles avec une bibliothèque dans chaque établissement, des lieux de diffusion de films et des salles adaptées au spectacle vivant.

Enfin le dernier objectif réaffirme l’importance de la formation et de la professionnalisation de tous les personnels du ministère de la Justice, y compris les surveillants, des intervenants et des bénéficiaires. Dans ce cadre, une nouvelle convention a été signée en septembre dernier entre le ministère de la Culture et l’École nationale de l’administration pénitentiaire, l’une des quatre écoles du ministère de la Justice. Elle prévoit des modules de formation culturelle pour les futurs personnels pénitentiaires et l’organisation de résidences artistiques au sein de l’école, située à Agen.

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