La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, vient de se rendre à Amiens, à la cathédrale Notre-Dame, où elle a assisté à un exercice de sécurité incendie. Y voyez-vous le signe que la restauration de notre patrimoine religieux est devenue une priorité ?
Tout à fait, cette visite montre que l’alerte a été entendue après deux catastrophes, l’incendie de Notre-Dame de Paris, en 2019, puis celui de la cathédrale de Nantes, en 2020. Le « plan cathédrales », initié en 2019, était une nécessité et, aujourd’hui, grâce à lui, 66 de nos 87 cathédrales sont désormais en sécurité. Je m’en réjouis car, pendant longtemps, on a privilégié la sécurité des hommes au détriment de celle des œuvres. La ministre de la Culture s’est emparée de cette nécessité de restaurer notre patrimoine commun : je vois dans le fait qu’elle est originaire du Liban – un pays qui a connu des destructions patrimoniales – l’une des raisons de son engagement.
Diriez-vous que le patrimoine religieux français transcende la question de la croyance religieuse ?
Bien sûr, d’ailleurs, l’émotion suscitée par l’incendie de Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019, en est un signe. Les Français ont été bouleversés par ce drame, sans distinction de croyance religieuse. Moi-même, je suis un défenseur acharné du patrimoine religieux, alors que je suis agnostique ! Ce n’est pas la question de croire ou non : ces édifices font partie de notre histoire commune, de notre identité. Ils sont au cœur même du patrimoine français.
Les cathédrales appartiennent à l’État, mais les églises aux communes, et, donc, parfois à des villages de petite taille aux budgets serrés. Comment peuvent-elles faire face financièrement ?
C’est tout le problème : l’État a les moyens de sauver ses cathédrales mais, pour une commune dont l’église n’est pas classée – auquel cas l’État aide au financement -, la rénovation constitue une charge énorme. Cela leur est le plus souvent impossible. Le montant moyen d’une rénovation de toiture d’une église, c’est 1,5 millions d’euros. Comment voulez-vous qu’une commune de 1 000 âmes puisse trouver une telle somme pour sauver sa petite église de campagne ? La déchristianisation du pays fait que ce genre d’orientation budgétaire n’est plus un enjeu électoral. Les maires préfèrent mettre de l’argent dans les transports scolaires ou les stades de football, et c’est normal.
Au-delà du budget, qu’est-ce qui empêche les mairies d’engager la restauration de leurs églises ?
L’ingénierie administrative. Quand une petite commune dispose d’un seul secrétaire de mairie, celui-ci n’a pas le temps de monter et de suivre un dossier de demande de subvention. Il faut donc trouver des solutions. La Mission Patrimoine, que je préside depuis 2017, a ainsi permis de sauver 760 monuments en sept ans, dont des églises, bien sûr, mais aussi des temples tamoul ou protestant ou encore des synagogues. Car je crois que le patrimoine religieux doit concerner toutes les croyances. Aucune ne doit être méprisée. Mais, malgré notre investissement, il reste beaucoup à faire. On estime encore que 500 églises ont actuellement besoin d’être restaurées. C’est d’autant plus important qu’elles constituent parfois la seule richesse du village. Le patrimoine, ce n’est pas un coût, c’est un investissement ; ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité.
On a laissé les choses se dégrader, à tort puisqu’aujourd’hui ces églises ont besoin de travaux dont les étendues dépassent des sommes astronomiques.
De quoi se préoccuper de ces édifices religieux ?
Du manque d’entretien depuis des décennies. On a laissé les choses se dégrader, à tort, puisqu’aujourd’hui, ces églises ont besoin de travaux dont les étendues des sommes astronomiques. Il est donc d’autant plus difficile de les engager. Le problème, c’est qu’on a souvent fermé ces églises par manque de pratiquants ou parce qu’elles étaient trop dégradées et que la sécurité n’y était plus assurée. Ou, une église fermée ne montre rien de sa décrépitude ! Pourtant, on pourrait imaginer, une fois restaurés, que ces lieux reprennent vie, par exemple en y proposant des concerts profanes. Car si une église est à l’abandon, c’est tout le village qui perd de sa vitalité.
Vous vous prononcez pour la création d’un secrétariat d’État au Patrimoine. Quel serait son rôle ?
Actuellement, le tourisme dépend du ministère des Affaires étrangères. Je plaide pour qu’il soit placé sous l’égide du ministère de la Culture, car si 90 millions de touristes viennent chaque année en France, c’est bien pour y admirer notre patrimoine, attractivité n°1 de notre pays ! Un secrétariat d’État au Patrimoine et au Tourisme aurait donc du sens et aidé nos petites communes, d’autant que 52 % du patrimoine est situé dans des communes de moins de 1 000 habitants.
Quel édifice religieux breton mérite, selon vous, une attention particulière ?
J’aime beaucoup la Bretagne et je ne me prononceai pas pour un édifice en particulier ! Toutes les églises bretonnes ont besoin d’être restaurées. Pour les y aider, les grands patrons bretons pourraient mettre au pot dans le cadre d’une entreprise de mécénat ? Ça, c’est une idée !